jeudi 13 février 2025
La résilience ou comment triompher dans l’adversité
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Hélène Kyriakakis
CEO-Talan North Americas
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Cela fait plusieurs années maintenant que l’on parle des bouleversements qui impactent les chaînes d’approvisionnement. Plusieurs facteurs sont en cause, notamment :
- La pandémie mondiale
- La montée du protectionnisme
- Les conflits géopolitiques
- Les cyberattaques
- Les catastrophes naturelles
Face à ces défis croissants, il devient évident que les trois piliers de l’Industrie 5.0 — la transformation numérique, l'humanocentrisme et le développement durable — ne suffisent plus. Il faut désormais ajouter un élément clé : la résilience.
Cette capacité à faire face aux imprévus et à s'adapter rapidement aux changements s'impose aujourd’hui plus que jamais pour les manufacturiers québécois soucieux de naviguer avec succès dans un environnement de plus en plus complexe et incertain.
L’actualité récente illustre bien la fragilité des chaînes d’approvisionnement. Le conflit de travail entre les grandes compagnies ferroviaires canadiennes et leurs employés a fait craindre une rupture d’un maillon essentiel : la chaîne de distribution alimentaire. L’implication immédiate du gouvernement fédéral démontre le caractère central de la problématique, puisqu’on parle de conséquences dommageables à court comme à long terme, telles que :
- La hausse des prix des denrées alimentaires
- Une pénurie de produits de base
- L’absence d'aliments pour nourrir le bétail
Les dernières années ont d’ailleurs mis à l'épreuve à plusieurs reprises la solidité des chaînes d'approvisionnement des manufacturiers au Québec comme ailleurs. Une étude de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI) mentionnait que 89% des PME québécoises ont été confrontées aux défis de la chaîne d’approvisionnement, 39% d’entre elles ayant été durement touchées. Ces impacts, allant des pénuries de matières premières aux retards de livraison, en passant par l’augmentation des coûts d’expédition, ont eu un impact direct sur la productivité et la compétitivité de ces entreprises.
Face à ces défis, les manufacturiers n'ont d'autre choix que de renforcer leur résilience, notamment par une gestion accrue des risques. Beaucoup ont revu leurs pratiques de gestion des stocks, délaissant le juste-à-temps pour une approche plus sécurisée et diversifiée. L'approvisionnement de proximité et le raccourcissement des chaînes deviennent essentiels pour limiter les interruptions et réduire l'impact environnemental.
Au-delà de la provenance des intrants, la résilience des manufacturiers passe aussi par une plus grande flexibilité de l’appareil de production. C’est l’investissement dans de nouvelles technologies permettant une production plus prévisible, simplifiée et adaptable aux aléas qui permet de pallier aux problèmes. Des processus de production résilients permettent une usine flexible, où l’on peut adapter les cadences, les besoins en main-d'œuvre, et se retourner rapidement. Ainsi, à titre d’exemple, la mise en place de techniques d’intelligence artificielle incluant les modèles prédictifs, associées à l’automatisation de certaines règles d'affaires permet aux entreprises d'être plus agiles. En particulier, nous voyons de gros progrès autour de :
- Maintenance prédictive : Cette technique utilise des algorithmes avancés pour prédire les défaillances et les besoins de maintenance des équipements, permettant ainsi d'optimiser la disponibilité opérationnelle et de réduire les coûts de maintenance.
- Prévision des pièces de rechange : Grâce à l'analyse prédictive, les entreprises peuvent anticiper les besoins en pièces de rechange et en inventaire, réduisant ainsi les temps d'arrêt imprévus et améliorant la satisfaction client.
- Demande irrégulière : Les modèles d'apprentissage automatique sont utilisés pour prévoir et gérer la demande de produits sujets à des variations erratiques, permettant une meilleure gestion des inventaires et une réduction des coûts liés aux surstocks et aux ruptures de stock.
- Besoins en main-d'œuvre : L’analyse prédictive permet aussi d’anticiper les besoins et l’allocation de main-d'œuvre au bon endroit au bon moment.
La résilience passe aussi par la capacité des effectifs à faire face aux aléas, notamment grâce à la formation continue et la gestion du changement. Et les bénéfices potentiels sont substantiels. Une entreprise résiliente réduit ses coûts liés aux perturbations, améliore sa productivité opérationnelle et saisit de nouvelles opportunités de croissance.
En définitive, la résilience s'impose comme un élément incontournable de l'Industrie 5.0 pour les manufacturiers québécois. Une analyse rigoureuse du risque, une production flexible et une chaîne d'approvisionnement plus robuste et diversifiée, permettront aux entreprises non seulement de mieux absorber les chocs futurs, mais également de se positionner pour tirer avantage des transitions en cours, que ce soit sur le plan du numérique, de l'humanocentrisme ou du développement durable.
C'est le défi qui les attend dans les années à venir.
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Sources
[1] Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI), « Les PME et les perturbations de la chaîne d’approvisionnement – Infographie », Disponible ici .